Comme chaque matin, mon réveil a sonné à huit heures et indiqué la date du jour : 15 juin 2048. Aujourd’hui, la société va changer. De nouvelles mesures vont être prises. L’actuel chef d’État a donné sa démission : on l’accuse d’être trop laxiste. Et dans une heure, les quatre Grands Conseillers vont prendre la tête du pays.

J’ai rejoint les habitants de ma ville, que la police du Grand Conseil avait réunis, sur la place principale. Malgré le monde, le lieu était étonnamment silencieux. Seuls des bruits de pas retentissaient, s’apparentant à ceux de milliers de fourmis. Les Grands Conseillers prirent la parole : la journée commencera à huit heures pour tout le monde et un couvre-feu sera sonné à 20h, dans un souci de conformité égalitaire des citoyens.

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À partir de maintenant, la société allait se réorganiser en quatre groupes distincts. Les enfants âgés de moins de 18 ans, les étudiants, dont je fais partie, les adultes de 27 à 59 ans et les personnes de 60 ans et plus seront regroupés en différentes catégories. Ainsi, chaque groupe sera chapeauté par son représentant : un des quatre membres du Grand Conseil. Celui-ci sera en charge d’appliquer les mesures suivantes pour le bien de la collectivité :

- chaque étudiant devra s’occuper d’une personne âgée et chaque adulte devra s’occuper d’un enfant afin de généraliser le service à la personne ;

- seuls les produits biologiques et le « made in France » seront disponibles sur le marché ;

- les frontières seront supprimées : on prône l’échange. Ainsi, chaque personne devra effectuer 5 voyages par mois en calèche (les voitures étant interdites), en dehors de la France, sous risque de sanctions ;

- les pollutions sonores seront supprimées : le calme et la sérénité de chacun seront les maîtres mots. Il en est de même pour la pollution lumineuse : extinction des lumières à partir de 20h15 pour la protection de l’environnement.

À la lecture de ces nouveaux commandements, je voyais les personnes autour de moi acquiescer d’un signe de tête, le regard empreint d’excitation. Les Grands Conseillers enchainèrent sur les sanctions applicables en cas de non respect des règles, autrement appelé : « atteinte au despotisme libre ». Elles seront classées en trois stades de gravité :

- Stade 1 : obligation d’ingurgiter hamburgers et autres impuretés, midi et soir, pendant un mois avec sursis.

- Stade 2 : contrainte aux travaux forcés : enfermement dans des camps de tri où les produits phytosanitaires seront supprimés.

- Stade 3 : emprisonnement à vie avec projection de toutes les images horrifiantes illustrant l’Homme détruisant la planète.

Pris de panique, je me mis à courir pour fuir cette hérésie. Tout autour de moi, je voyais les gens acclamer cette nouvelle décision, ce nouveau modèle de société. Je semblais être le seul à voir l’horreur s’installer. Après ma course effrénée, je tentai de me calmer au coin d’une rue mais rien ne pouvait me rassurer. Mes pensées étaient sombres.

Soudain, un homme s’approcha de moi pour me réconforter : « Vous n’avez pas l’air dans votre assiette Monsieur, laissez-moi vous proposer de quoi vous apaiser ! » L’homme me tendit une cigarette ressemblant aux vieilles cigarettes des années 2020… Quand j’acceptai son offre, il partit précipitamment sans rien dire.

Le plaisir que me procura cette première bouffée de cigarette se vit terni par l’arrivée subite d’un agent des forces de l’ordre du Grand Conseil. Celui-ci m’aboya dessus : « Vous venez d’enfreindre une des règles de l’atteinte au despotisme libre ! Je vous arrête, vous allez directement être jugé au Stade 2 ! » Je me débattais en criant que je n’avais rien fait, je ne voulais pas y aller, je ne comprenais pas. Plusieurs agents arrivèrent pour me maîtriser et plus leurs mains se posaient sur moi, plus j’entendais le cri d’une alarme stridente s’amplifier et devenir de plus en plus assourdissante. Je me demandais ce qui allait encore m’arriver puis…. J’ouvris les yeux. L’alarme de mon réveil Mireille sonnait.